
En guise de préambule, je ne dirais rien de plus que ceci : plongeons ensemble. Le reste… le reste est silence ?
Puisque c’est sur mon bateau que nous amorçons notre périple, je me dois de présenter un peu l’embarcation et l’embarqueur :
Enchanté ! Thomas Corcessin : 29 ans, toutes ses dents et une grande curiosité ! Du théâtre à l’écriture – il n’y a qu’un pas ! Oui ! Non pas que ces deux arts ne possèdent pas leur propre nuance mais ils tendent tous deux vers la même puissance d’incarnation, déclenchent des mêmes vecteurs d’émotions – et nous plongent loin, bien loin de notre réalité.
Cette plongée peut se traduire en une simplicité rayonnante. Elle décrit ce que nous faisons, vous, moi, tous les êtres sensibles à la matière : Raconter une Histoire.
S’asseoir au coin du feu sous la surveillance des étoiles et parler, écrire, dessiner, transmettre… Oui, c’est cela avant tout : transmettre.
La mosaïque des « Nénuphars Artificiels » se compose ainsi : Des récits étrangers les uns aux autres qui tendent à se rencontrer. Depuis la forme du livre jusque dans la sève intime de chacun des récits – il s’agît de rencontres.
Pour être concret : dans « Les Nénuphars Artificiels » nous évoluons dans un monde où l’humanité est parvenue à créer des androïdes. Des êtres mécaniques en tous points semblables à nous. En tous points ? Là est la question ! Et puis : trop tard, tout va trop vite ! Ils vont plus vite ! Il s’agît désormais de mesurer les conséquences de nos actes ! Ah, si seulement nous pouvions nous parler, échanger, d’égal à égal ? D’humains à machines ? Peut-être, écouter aussi ? Tout simplement…
EXTRAIT – JOY – Chapitre 1
J’avais regardé l’inexorable montée en flèche de Joyce Nolan avec l’espoir futile qu’une parole s’élèverait contre cette si soudaine ascension mais le silence fut mon seul interlocuteur. A mesure que les semaines passaient, mon opinion personnelle se voyait de plus en plus marginale comparée aux critiques émises à propos de l’androïde. Loin de m’en laisser paraître affecter, je prêchais le faux tout en cultivant le vrai. Je n’étais pourtant pas dupe quant à ma propre mise à l’écart dans la manière de pensée de mes collègues- scénaristes, producteurs, agents, réalisateurs et même d’autres acteurs.
Mon postulat me paraissait pourtant simple, je n’arrivais pas à concevoir comment un être artificiel, un être sorti du néant de l’imagerie humaine, non naturelle… Comment une telle créature pouvait-elle ressentir ? Un acteur était, par définition, l’inverse d’une machine à émotions, triant les bonnes tonalités des mauvaises, calculant l’efficacité de tel geste par rapport à un autre. Être acteur relevait d’un niveau d’humanité inconscient que seul un être sensible pouvait percevoir et retranscrire. Une série de vagues chaudes et froides qui apportaient une nécessité à dire ou faire certaines actions par le prisme de l’art du jeu. L’individualité émotionnelle étant par essence le moteur organique de l’acteur, il fallait partir des profondeurs de son âme pour atteindre, ou du moins tenter d’atteindre, l’universalité du genre humain, ou tout simplement pour faire germer en soi-même la graine d’une émotion.
Joyce Nolan, dépourvue de toute organicité, ses systèmes nerveux complexes appuyant sur les touches de son petit piano mécanique jouant une partition d’ores et déjà acquise, ne pouvait tout simplement pas ressentir les choses. Elle les exécutait ou tâchait tant bien que mal de le faire, car elle ne possédait pas ce que le genre humain incarnait de plus sensible : l’imperfection.
Thomas Corcessin auteur du livre Les Nénuphars artificiels.