
Les innocents; Pourquoi ce titre ?
Dans sa vie, qui n’a jamais été dépassé par des événements imprévus, entraînant des situations ingérables et stressantes ? C’est ce qui arrive aux protagonistes de mon recueil de nouvelles, « Les innocents ». Comment réagit-on dans ces cas là ? Surtout quand l’enchaînement des catastrophes ne s’explique pas de manière rationnelle, quand l’étrange, le mystère s’en mêle. Comment gérer sa peur, comment parvenir à s’en sortir , seul, la plupart du temps ? Qui sait jusqu’à quelle limite extrême de violence il serait capable de puiser pour parvenir à survivre ? Ou au contraire, la victime résignée se résoudrait-elle à attendre passivement la mort ? Ces questions m’intéressent au plus haut point et ont été le fil conducteur des sept nouvelles. Nos vies se déroulent paisiblement en règle générale; nous sommes assurés et sur-assurés pour tous les risques possibles et imaginables. Nous avons la chance de vivre encore en démocratie et l’état providentiel nous protège en principe et garanti notre libre circulation. Notre société a atteint un niveau de développement vertigineux. Chacun le sait; le vertige entraîne souvent la chute…
Plusieurs histoires se déroulent dans un passé proche, où l’immédiateté des solutions n’existait pas, où il n’était pas envisageable, en quelques clics ou en tapotant sur un écran, de trouver une échappatoire. Grace, ou à cause des nouvelles technologies, notre Monde a considérablement rétréci, et pourtant tellement de pays nous sont maintenant inaccessibles, parce que trop dangereux ou bientôt trop pollués, mais ceci c’est un autre sujet.
Jusqu’à quelle mesure peut-on se considérer innocents ? L’innocent est-il toujours celui que l’on croit ? Ne porte-t-on pas en soi le ferment de la culpabilité, par nos agissements irresponsables, égoïstes ? Notre désir impérieux de profiter de tout ce que l’argent met à notre portée, de jouir de libertés individuelles se réalise toujours au détriment de l’immense majorité des opprimés, des exploités. En avons-nous seulement une infime conscience ? Je pense que oui mais nous regardons hypocritement ailleurs. « Après moi le déluge »…
Gare à la désillusion alors. Le recueil « Les innocents » couvre en gros cinquante-cinq années de l’histoire humaine, dérisoire petite créature fragile qui a su asservir son univers, le temps d’un clin d’œil à l’échelle géologique , et le faire plier sans aucun respect pour les autres espèces vivantes sur Terre. On n’a rien appris, on refait inlassablement les mêmes erreurs. Mais j’ai confiance dans les générations futures;
Gilles Lemaistre, auteur du livre Les innocents.
