
Transmettre les valeurs familiales, c’est souvent vouloir offrir à ses descendants un socle d’identité, un repère dans le monde. Pourtant, cette transmission ne va jamais de soi. L’histoire de la famille Galles, telle que relatée dans Vertiges d’Héritiers en Déroute, illustre avec intensité les zones d’ombre de ce legs. Derrière la façade d’une bourgeoisie ordonnée, ce sont des tragédies à répétition – trois suicides en deux générations – qui révèlent les fissures invisibles dans les fondations des relations familiales.
Quand les mots manquent, que les émotions sont tues ou étouffées dans le formalisme ou le silence, les valeurs transmises deviennent alors ambigües, parfois même destructrices. La loyauté devient obéissance rigide, l’exigence vire à la pression, et le souci du bien se change en contrôle insidieux. Les figures parentales sont tantôt répressives, tantôt absentes, laissant des enfants perdus, tiraillés entre admiration, rejet et culpabilité.
Mais ces difficultés ne condamnent pas pour autant l’idée même de transmission. Elles soulignent la nécessité d’un passage conscient, vivant, dialogué. Une transmission réussie implique une écoute sincère, un espace pour l’expression des singularités, un lâcher-prise sur les attentes normatives. Cela suppose aussi que les aînés osent revisiter leurs propres héritages, parfois pour les corriger, souvent pour les expliquer.
Dans un monde en perpétuelle mutation, où les repères se redessinent sans cesse, les valeurs familiales doivent cesser d’être un héritage figé pour devenir une matière vivante et régénérante à partager. C’est peut-être là, dans un dialogue tous azimuts empreint d’humilité et de vérité, que réside l’espoir d’un enracinement heureux et libérateur.
Laurent Duval auteur du livre Vertiges d’héritiers en déroute.